Symposium: Assessing the First Years of Implementation of the AFCFTA: Challenges and Opportunities — La prise en compte de l’environnement dans l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF)

Subcategory:
By:

December 11, 2025

Introduction 

La mondialisation a créé une interdépendance entre États sur plusieurs plans, notamment sur le plan économique. Cela s’est traduit par la conclusion d’accords économiques visant à faciliter et à multiplier les échanges commerciaux entre États. Toutefois, cette multiplication des échanges commerciaux a aussi révélé de nouveaux défis, qui semblent tout aussi importants que les retombées économiques, tels que la protection des droits de l’homme, la protection de l’environnement, etc. Cette prise en compte de l’environnement apparaît comme un élément indissociable du développement socio-économique et, de ce fait, chaque accord international devrait accorder une place primordiale à la question environnementale. C’est le cas pour certains accords tel que l’Accord économique commercial global (AECG), conclu entre l’Union Européenne et le Canada, qui a davantage mobilisé sur les questions liées à l’impact environnemental du libre-échange que sur ses retombées économique. 

La présente contribution examine la prise en compte de l’environnement dans l’Accord portant création de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (Accord ZLECAf). Cet Accord, conclu en 2018 par les dirigeants africains, vise à créer un marché unique pour les marchandises et les services afin d’approfondir l’intégration économique et réaliser le développement socio-économique inclusif et durable du continent africain (Article 3 de l’Accord portant création de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine). Se pose alors la question de la prise en compte des considérations environnementales dans l’Accord ZLECAf, étant donné la place centrale de l’environnement dans tout développement socio-économique durable : L’Accord ZLECAf prend-il suffisamment en compte l’environnement ? A l’analyse, il apparaît que la prise en compte de l’environnement est insuffisante (1) et pourrait être améliorée (2). 

1. L’environnement, une question insuffisamment prise en compte dans l’Accord ZLECAf 

L’Accord portant création de la zone de libre-échange continentale africaine comprend huit protocoles et une multitude d’annexes. L’analyse de ces différents textes révèle une prise en compte limitée de la question environnementale : A l’exception du Protocole sur les investissements, aucun autre protocole n’aborde de façon satisfaisante cette question : Ainsi, L’Accord portant création de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine mentionne la protection de l’environnement dans son préambule en réaffirmant le droit des États parties de règlementer sur leur territoire les flexibilités dont ils disposent pour poursuivre des objectifs légitimes de politique publique, y compris dans le domaine de l’environnement. Une telle mention a une portée limitée compte tenu de la relative absence de force contraignante qui s’attache au préambule. Cette mention peut cependant être utile à l’interprétation du texte de l’accord et laisse entendre sous quel angle les parties pourraient aborder les situations dans lesquelles l’environnement et le commerce sont interdépendants. De plus l’article 3 sur les objectifs généraux en son alinéa (e) dispose que la ZLECAf vise à « promouvoir et réaliser le développement socio-économique inclusif et durable ». 

En plus de ces mentions, la question environnementale est abordée à l’article 26 sur les exceptions générales du protocole sur le commerce des marchandises en ses alinéas (b) et (g). Cet article rappelle que les mesures nécessaires à la protection de la vie ou de la santé des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux de même que les mesures se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables ne constituent pas des violations des règles économiques à condition que de telles mesures ne soient pas appliquées de manière discriminatoire où arbitraire. Cet article 26 laisse envisager une volonté d’encourager les États membres à se saisir de la question environnementale. Cependant, plutôt que d’en faire un principe, l’accord ZLECAF en fait une exception générale. L’on se retrouve à s’interroger sur la consistance de cette technique car elle penche pour l’incitation au lieu de la contrainte. 

2. Vers un protocole sur l’environnement dans l’Accord ZLECAf ? 

La prise en compte insuffisante des considérations environnementales dans l’Accord ZLECAf a suscité la question de savoir s’il fallait un Protocole sur l’environnement à l’Accord ZLECAf ? Il est vrai que l’article 8 de l’Accord ZLECAf prévoit la possibilité d’adopter des instruments supplémentaires, jugés nécessaires dans le cadre de la poursuite des objectifs de l’Accord ZLECAf. Et une fois adoptés, ces instruments supplémentaires font partie intégrante de l’Accord ZLECAf. 

Il convient toutefois de mentionner l’existence de dispositions environnementales précises et juridiquement contraignantes dans un Protocole : Il s’agit du Protocole sur les investissements. Celui-ci contient un article destiné spécialement à la protection de l’environnement : L’article 34 oblige les investisseurs et leurs investissements, dans le cadre de leurs activités commerciales, à respecter et protéger l’environnement. Plus spécifiquement, ceux-ci doivent respecter le droit à un environnement propre, sain et durable, se conformer aux principes de prévention et de précaution dans la conduite de leurs activités afin d’anticiper et de prévenir tout risque de dommage significatif à l’environnement. Les investisseurs doivent aussi appliquer le principe de précaution à leur évaluation de l’impact sur l’environnement et aux décisions prises en relation avec un investissement proposé, en incluant toute approche nécessaire d’atténuation ou alternative à l’investissement, ou en empêchant l’investissement si nécessaire. 

En cas de dommage causé à l’environnement, les investisseurs doivent prendre des mesures pour atténuer ces dommages, restaurer les sites touchés et garantir un environnement propre, sain et durable. L’environnement est aussi pris en compte dans l’octroi du traitement national (article 12 al 2) de même que dans l’application des lois aux investisseurs (article 31). Le protocole prévoit aussi des incitations aux investissements durable (article 8) et réserve toute une partie (partie IV) aux questions liées au développement durable (articles 24 à 30). Les investisseurs sont aussi tenus de stimuler le progrès économique, social et environnemental, en vue de parvenir à un développement durable (Article 38). Il est vrai que ce protocole a une portée limitée puisque ne s’appliquant qu’aux investissements intra-africains, mais il constitue un modèle en matière de protection de l’environnement. 

Les dispositions de ce protocole sont complétées par les dispositions pertinentes d’autres instruments régionaux africains à l’instar de la Convention révisée relative à la conservation de la nature et des ressources naturelles en Afrique, adoptée à Maputo le 11 juillet 2003 et Protocole relatif aux amendements au Protocole sur le Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme qui contiennent des dispositions pertinentes en matière de protection de l’environnement. 

En définitive, la prise en compte de l’environnement semble très relative dans l’Accord ZLECAf qui comporte très peu de dispositions environnementales précises et juridiquement contraignantes. L’Afrique ne peut pas se permettre une telle approche : Le continent africain est celui qui subit avec le plus d’acuité les effets du réchauffement climatique alors qu’il est celui qui pollue le moins. La question environnementale devrait même lui permettre de démarquer son économie de la dynamique globale pour en faire une niche de compétitivité. Toutefois, la ZLECAF peut encore mobiliser plusieurs outils afin d’aboutir à une protection environnementale efficace.